
Prévisions d’une reprise économique
Bilan du rééquilibrage du portefeuille, de l’assouplissement quantitatif et de la politique
À l’heure où l’incertitude sur le marché se poursuit, la capacité à prédire les tendances est très recherchée. Lors d’une récente téléconférence sur les marchés de Gestion de placements Manuvie, le stratège en chef des placements, Philip Petursson, a livré son point de vue sur la façon dont la première moitié de 2020 continuera d’avoir une influence sur le reste de l’année et en 2021.
« Ce marché a été fascinant et frustrant, l’activité normale ne semblait pas s’appliquer », affirme M. Petursson. « Les spéculateurs sur séance sur la plateforme Robinhood influencent les marchés. Les spéculateurs sportifs qui se concentraient habituellement sur le basketball, le baseball et d’autres sports se tournent maintenant sur les actions. Alors que les marchés poursuivent leur progression et que les cours de l’action de certaines sociétés atteignent maintenant des sommets de 52 semaines, nous devons essayer de comprendre comment nous en sommes arrivés là et vers où nous nous dirigeons. »
Selon M. Petursson, le marché actuel est atteint du syndrome général d’adaptation (SGA). La psychologie humaine de base permet généralement d’expliquer le comportement des marchés et la réaction humaine face au stress comprend trois phases – panique, réaction et épuisement.
La phase de panique a commencé à la mi-février, lorsque l’indice S&P 500 a chuté de 35 % en réaction à la pandémie de COVID-19 qui se propageait. Les consommateurs se sont démenés pour remplir leur garde-manger, tandis que les entreprises se sont démenées pour répondre aux besoins des employés contraints du jour au lendemain à faire du télétravail. Quelles sont les conséquences pour les bénéfices et la rentabilité des sociétés, et à quoi ressemblerait une reprise?
La phase de réaction a duré de la mi-mars à la fin de mai, une période de volatilité où le marché a évolué en dents de scie, affichant des hausses et des baisses d’environ 8 %. En cette période d’incertitude, le moment était venu de tenter d’y voir plus clair et de s’adapter à ce qui était la nouvelle norme.
La phase d’épuisement a commencé au début du mois de juin et se poursuit à ce jour. Les consommateurs et les propriétaires d’entreprise sont épuisés mentalement en raison des mesures de distanciation en cours, plein d’espoir en raison de la réouverture des restaurants et de certaines entreprises, mais préoccupés, car le chemin à parcourir est encore long.
Quelle direction les marchés vont-ils prendre maintenant? M. Petursson fait part de ses observations.
Prévisions pour les 12 à 18 prochains mois
« La Réserve fédérale américaine est une force très puissante, et pour soutenir ces marchés la Fed a agi, selon moi, comme un important antidépresseur », déclare M. Petursson. « 2020 est une année qu’il faudrait reprendre, une année qui n’a plus d’importance. C’est 2021 que nous examinons vraiment. »
Selon M. Petursson, le rééquilibrage du portefeuille prend en considération le fait que les données sur les bénéfices pour le deuxième trimestre seront désastreuses et que le troisième trimestre pourrait ne voir que des améliorations modestes. « Dans notre scénario de base, nous prévoyons une reprise des bénéfices en 2021, ce qui nous rapprochera beaucoup de là où nous étions en 2019. Notre hypothèse est que 2021 sera ce que 2020 aurait été si nous n’avions pas eu de pandémie. »
Voici comment les choses pourraient évoluer, selon M. Petursson (avec les probabilités exprimées en pourcentages) :
Marché baissier, vers une reprise durable (probabilité de 60 %)
« Je pense aussi que les évaluations resteront un peu plus élevées que par le passé, car la Fed continuera d’adopter une position très accommodante en maintenant son taux directeur tout près de zéro. Dans ses récentes mises à jour, la Fed a indiqué ne pas prévoir de relever les taux d’intérêt avant 2022. »
Reprise du marché haussier (probabilité de 15 %)
Risque | Niveau | Perspectives |
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Économie | Accélération | L’activité économique aux États-Unis et dans d’autres pays reprend progressivement malgré les mesures de confinement liées à la COVID-19. La contraction économique est marquée, mais courte. Les indices des directeurs d’achats se redressent et se stabilisent. Aux États-Unis, le chômage atteint son sommet, puis baisse. |
Valorisation | Risque de baisse | La reprise des bénéfices tend à faire baisser le ratio cours-bénéfice, mais la faiblesse de l’inflation et des taux d’intérêt tend à faire augmenter ce dernier au-dessus de la moyenne (en raison de la prime de risque des actions). Le ratio cours-bénéfice sur 12 mois de l’indice S&P 500 baisse d’un à deux points d’ici la fin de 2021, à 20 ou 21. |
Bénéfices | Risque de baisse à court terme/possibilité de hausse sur 18 mois | Le bénéfice par action de l’indice S&P 500 chute de 20 % en 2020 à 132 $, puis renouent avec son niveau de 2019 en 2021, soit 160 $ à 165 $ et peut-être plus. |
Courbe des taux | Accentuation | La politique de la Réserve fédérale et de la Banque du Canada reste conciliante jusqu’en 2021. Les taux à court terme restent proches de 0 %. La partie longue de la courbe s’accentue avec la reprise. |
Titres de créance | Risque neutre | Avec le soutien de la Fed, les écarts de taux se rétrécissent et tendent vers leur moyenne à long terme. Les rendements sont principalement composés d’intérêts puisque les obligations subissent la pression d’une conjoncture de hausse des taux. Les obligations à rendement élevé sont à privilégier par rapport aux obligations de qualité. |
Cours du pétrole | Hausse | Les prix du pétrole ont tendance à augmenter en raison de la diminution des stocks, de la faiblesse persistante de la production et de l’augmentation de la demande. Le baril de West Texas Intermediate s’échange entre 35 $ US et 50 $ US. |
Taux de change ($ CA/$ US) | Hausse | Le dollar canadien reste lié aux prix du pétrole. Le dollar américain s’affaiblit en raison de l’augmentation de la masse monétaire. Le taux de change entre les deux dollars s’établit entre 0,73 $ US et 0,77 $ US au cours des 12 prochains mois. |
Source : Gestion de placements Manuvie. Au 30 juin 2020.
Éléments imprévisibles, les éventuelles vagues
La possibilité que survienne une deuxième vague pourrait être l’élément imprévisible dans le cadre de cette reprise économique.
« Comment pouvons-nous envisager la possibilité d’une deuxième vague de coronavirus qui pourrait déclencher une deuxième vague économique ou une rechute accompagnée à nouveau de mesures de fermeture? Actuellement, nous ne tenons pas compte de cet élément. Nous nous servons du contexte actuel aux États-Unis pour nous guider quelque peu. Le Texas et la Floride connaissent une hausse des taux d’infection et des hospitalisations, mais se montrent résistants à l’idée de procéder à nouveau à une fermeture de leurs économies.
Quelle est la bonne décision à prendre? L’histoire nous le dira. Toutefois, compte tenu de ce que nous avons vécu, je pense que les gouvernements hésiteront à procéder à la fermeture des économies si une deuxième vague survient. Je pense que les gouvernements chercheront à appliquer d’autres mesures, comme rendre le port de masques de protection obligatoires, avant de procéder à la fermeture de l’économie pour une deuxième fois. »
Entre-temps, la modélisation de portefeuille indique une probabilité de 75 % d’obtenir un rendement moyen ou supérieur au cours des 18 prochains mois, les données fondamentales sur les placements comme les achats périodiques par sommes fixes étant un facteur clé.
« Avec le recul, j’aurais aimé augmenter notre pondération en actions pour l’établir à 70 % au lieu de 55 %. Mais j’appuie nos décisions de placement de la fin mars. Compte tenu des données fondamentales et des risques qui existaient à ce moment-là, notre équipe a jugé qu’il était prudent d’augmenter la pondération des actions de 5 % seulement. »
Outre les achats périodiques par sommes fixes, l’équipe de M. Petursson cherche maintenant à rajuster son modèle de portefeuille pour le porter à une position neutre composée de 60 % d’actions et de 40 % de titres à revenu fixe, et à passer des obligations de base aux actions mondiales.
« Lorsque nous regardons les 12 à 18 prochains mois, nous nous attendons à une hausse des taux d’intérêt. Cela pourrait nuire au rendement de certaines obligations d’État à long terme classiques, mais favoriser les obligations de sociétés et les obligations à rendement élevé sur ce marché bien soutenu par la Fed. Nous nous attendons également à des rendements très intéressants au cours des 12 à 18 prochains mois, ce qui nous semble suffisant pour absorber toute augmentation de taux et nous permettre d’obtenir un rendement positif au cours de cette période. »
Incidence de l’assouplissement quantitatif
Bien que personne n’aurait pu prévoir une pandémie mondiale, M. Petursson estime que la Réserve fédérale, grâce à la prise de mesures rapides, a grandement contribué à stabiliser les chocs financiers – les effets de ces mesures ayant été bien plus positifs que lors du recours à l’assouplissement quantitatif pour stabiliser la crise financière de 2008.
Lorsque l’effet de l’assouplissement quantitatif se fait sentir sur la masse monétaire, les marchés réagissent

Source : Gestion de placements Manuvie, Bloomberg, au 30 juin 2020.
“The problem in 2008 is that the banks just held onto that cash. They didn’t lend it out, it didn’t get into the money supply, and it didn’t have the impact that the Fed wanted. This go-around, the Fed has been much more successful — increasing its balance sheet by about $3 trillion, with money supply also increased by about the same amount. I believe this has helped to prop up not only the credit markets, but the equity markets as well.
But the question going forward is: what is the long-term effect of this? The consequence can be inflation.
We’re watching for whether asset price inflation turns into consumer price inflation in 2021, which will lead to higher interest rates. Through 2021 and 2022, we may see higher inflation than what we’ve averaged over the last 10 years, putting us in the 2.5 to 3.5 per cent range, whereas the last 10 years has been sub two per cent inflation.”
Consumer debt and recovery
Given current unemployment rates in Canada, there’s little doubt that consumers will be feeling the financial stress from this latest economic shock.
“Currently, Canada’s debt service ratio is sitting at 13 per cent, which is quite high considering on an apples-to-apples basis, the US is sitting at about 9 per cent. So, more of our disposable money is going to service the debt, with 15 per cent of the Canadian labour force unemployed.”
Philip expects high debt loads and unemployment rates will also take a toll on Canadian real estate.
“I think this can only result in a weaker housing environment. The Canada Mortgage and Housing Corporation (CMHC) has predicted an 18 per cent drop in housing prices, which I think will lead to an overall weaker housing market. Will this affect banks? Well, a lot of bank exposure is to insured mortgages, but I also think banks are well positioned. They are well diversified, well capitalized, and I don’t think we are going to see outright defaults on mortgages in Canada. You might see a greater impact on housing prices and housing activity, which will lead to a weaker Canadian economy overall, as housing has been a key economic driver in this country over the last 10 years.”
In terms of good investment opportunities — look to gold.
“Over the long term, gold has correlated with inflation. If you want to hedge inflation today, I think gold is a good way to do it. I think it’s currently undervalued and we project a rise to $2,100 per ounce. Manulife’s asset allocation teams have been increasing their positions to gold, seeing gold rise from $1,400 an ounce in mid-March to current levels of around $1,750.”
Elections and economies
And for some final thoughts, Philip ponders the impact that this coming November’s U.S. election may have. Either Democrat or Republican, whoever holds power at the White House might not really matter all that much.
“We always try to read into what the potential market impact could be if Trump is re-elected, and all the various scenarios that could happen. But the truth is, the markets, on average, go up. Markets go up 70 per cent of the time. But, statistically, Democrat-led government tend to enjoy stronger market returns. When you dig into the reasons why, it seems that Republican-led governments seem to suffer recessions more often. And there’s isn’t a compelling reason why this is, other than how business cycles line up with election cycles.”
In one of Philip’s scenarios, if Trump is re-elected with the Democrats controlling the Senate and Congress, then that form of gridlock might actually be favourable for markets.
“The markets historically tend to favour this type of scenario because the government can’t interfere too much with business.”
But regardless of who wins the White House, Philip says, the strength of the market will be determined by the strength of earnings growth. It will all really come down to how well the US and global economies recover from the pandemic lockdowns.